Soirée proposée et animée par
Les Nuits et les Jours de Querbes
mercredi 7 octobre à 18:30
à la médiathèque de Villefranche-de-Rouergue
avec la participation de Paroles Vives
Étienne Faure est un poète français né en 1960 en Normandie. Il vit et travaille à Paris. Il est édité chez Champ Vallon et Gallimard et a publié dans de nombreuses revues, certaines très influentes : la NRF, Conférence, Théodore Balmoral, Rehauts, Europe, Le MâcheLaurier, Pleine Marge. En 2019, il a reçu le très prestigieux prix Max Jacob pour son recueil Tête en bas.
Publications.
Extraits.
Puis l’aïeule au chignon serré,
lent chagrin noué à la gorge,
décidait de partir au motif
que la chair était triste, les livres lus,
poussant d’un geste unilatéral la chaise
dans un décor désormais inutile,
rideaux tirés par où la lumière
d’été filtrait, découpant la silhouette,
et sans la mise en scène au fond d’un jardin
expirait un dimanche dans le discret
contre-jour de la chambre,
à l’insu de tous alors peu éclairés
qu’après l’appel de l’aïeule un été haut et court
de sa monocorde voix étranglée,
seule une chaise allait survivre
à ce désastre.
la chaise où tu t’assois (extrait de Tête en bas, Gallimard, 2018, prix Max Jacob 2019)
Qui aurait peu scruté le papier peint,
des motifs incertains de rideaux qui bougent,
le fripement d’un linge oublié humide
aujourd’hui sec, l’auréole au plafond,
la marque improvisée du soleil sur la porte
et le bois nervuré où tout se noue,
l’ombre de l’herbe au mur chinoise
à présent devenu bambou géant,
la marqueterie d’un platane écorcé à minuit,
le poinçon des talons aiguilles dans le parquet
où se lovent dix mille abeilles, celui-là
qui aurait peu scruté ou pas du tout
les motifs d’habiter, qu’aurait-il
eu d’enfance –
et quelle vie ?
motifs
(extrait de Ciné-plage, Champ Vallon, 2015)
Dès les vacances les liquettes et les shorts sont portés de plein droit, conformément au régime d’été. Les tenues ressorties ont l’air encore neuf quand surgissent hors des trains, peu rompus au soleil, les corps dans leurs maillots qui soulignent tout leur blanc. Les vêtements rétrécis ou débordés par les chairs ont cédé la place à la peau. Elle refait surface, abondante, en paires de seins, de bras, en ventres et en dos, version estivale. Des nus bardés de sangles et de bretelles. Parés pour le bain de mer, les enfants grimpent avec leurs seaux, leurs pelles, des bouées en forme de canard autour du cou, et le sac isotherme, et les mères. Tout le prêt-à-porter des plages. Ce sont les mêmes au retour qui reviendront halés, alourdis d’épuisettes et de coquillages. Les mêmes avec les marques du bronzage qui révéleront, par défaut, ce que furent les vacances : les cyclistes aux fronts blancs à hauteur des casquettes, les chevilles pâles des randonneurs à la place des chaussettes, et puis le hâle irréprochable des bords de plage. L’intégrale.
(extrait de La vie bon train : proses de gare, Champ Vallon, 2013)